Chocolat 4



1. Je suis l’écorce,  caressée par la main, qui ne m’appartiens plus. 
Je suis la fibre devenue, durcie par le temps, le soleil de midi.
Je suis une enveloppe qui délimite mon corps tout entier, de la tête au pied, des racines à ma cime. 
Je bouge et me déhanche au rythme du vent qui agite mes feuilles. 
La terre est mon berceau, mon cercueil,  ma source de vie, ma sépulture. Je suis de bois, plus vivant qu’un vivant, plus sensible, puisqu’on me touche et me caresse et même parfois m’enlace. 
Je suis une parenthèse, une source de vie, oui, une ornement, une raison de vivre. 
Je vis avec ces mains, qui ne m’appartiennent plus, non, et au contact de mon cuir, transmettent le désir infini de l’amour, de la joie. 
Je suis un arbre. 

2. Ma robe est noire. Elle m’habille et convoque un éther, qui m’entoure, et me pare d’un mystère que le monde m’envie. Je marche lentement, je danse lentement, à la blanche, à la ronde. 
Les gens autour de moi s'effacent  dans un instant d’effroi ou bien d’admiration. Peu importe. 
Je suis ce qui est sous la robe, je suis la robe, je suis le contour, la surface et l’intérieur que je suis seul  à voir, de mes yeux intérieurs. 
JE SUIS LE MYSTERE. 
Je suis un entre deux, la circonférence du pile et du face d’une même pièce. Je suis les deux. Gagnant à chaque fois, perdant à tous les coups … Atterrir sur la tranche, ça n’existe pas. 
Je suis hésitant, ciel de nuages sertie d’un arc en ciel. 
Je suis un mélange, réussi pour les uns, impur pour les autres. Je suis un peu de ci, un peu de ça … encore un peu de ci, encore un peu de ça. Ne cherchez pas en moi le résultat d’un calcul savant, d’une alchimie secrète ou millénaire. 
Je suis le résultat d’un petit quelque chose, sans cause et sans effet. 
JE SUIS LE HASARD. 
Je suis blanche, éternelle colombe, et apporte la paix. Je suis divine, silencieuse et précieuse. Je suis une pluie de photons, une veine, qui porte en son sein un courant de matière, de masse nulle. Energie infinie. 
Je suis aveuglante, apaisante, piquante et naturelle. 
JE SUIS LA LUMIERE.


3. Sur le sol, balayé par le vent, lessivé par la pluie, craquelé par le soleil sec et brûlant, plus plus brûlant que le feu d’un brasier, les racines affleuraient. Elle s’étalaient, tantôt dans la lumière, tantôt en apnée sous la terre.  Elles quadrillaient un territoire, sans espoir pour quiconque viendrait s’implanter. 
Sous la terre, le mystère opérait, s’enchevêtrait, acheminait la matière première pour la montée des cieux. Tout se passait dans le noir, à l’abri de l’air. C’est là que le mystère était le mieux. 
Sous la terre, un océan de poussière, compact et généreux, donnait de la matière au tronc majestueux. 
La hasard un jour, en avait décidé ainsi. Ce sera ici ! Là où il n’y avait rien. Là où surtout, pas un home n’aurait tenté l’aventure. 
Tu seras baobab avait dit le hasard lorsqu’il lança en l’air une poignée de graines … et que le meilleur gagne.  Il faudra du courage, la terre vous le rendra. 
La terre, c’est le mystère. Enfin, le mystère, c’est sous la terre. Là où on ne voit pas. 
Une graine fit son chemin. Au hasard d’une pluie pu s’accrocher puis déplia une première tige, et puis, sa première feuille. 
Le hasard faisant les choses, il plut et fit soleil en alternance régulière. Une aubaine. 
La vie se déroulait, mystérieuse, hasardeuse, toujours chanceuse. 
La lumière, divine lumière, faisait croître le tronc, les branches, drapées d’un vert mature. 
L’arbre montait, s’élargissait, prenait la place qui lui était réserve, par le mystère, par le hasard, par la lumière
Trois siècles, quatre peut être  … un beau jour, il perça les nuages, en avant, vers le ciel.  

Yves

Commentaires

Articles les plus consultés