Satané serpent
Atelier du 7 février
2012
LES PAPOUS DE TOULOUSE
5 chapitres de 7 phrases ou 7 fragments qui répondent à une consigne et s’inscrivent dans un
ensemble, une histoire, une poésie…
Chapitre I :
1 - Une femme démarre une débroussailleuse…
Les
ronces, au fil des ans, avaient envahi ce qui était la cour. L’accès à la porte
et aux fenêtres était désormais interdit par de véritables barbelés naturels.
« C’est le monde à l’envers, se dit-elle. Dans le
conte, c’est un prince charmant avec son épée qui libère la belle
endormie. »
2 – Intervention animale
Au
premier vrombissement de la débroussailleuse, un lapin affolé détala en
zigzagant entre les buissons, affichant sa petite queue blanche.
3 – La réaction de la femme comporte deux actes précis
Les dents acérées de la machine attaquèrent voracement les
tiges épineuses dans un hurlement de moteur. La femme avança avec prudence puis
s’arrêta pour ajuster ses lunettes de protection. « Pas question de faire
une terrine de lapereau », pensa-t-elle, redoublant d’attention.
4 – Transformation animale
Un jet de sang gicla soudain sur le bas de son pantalon.
Elle crut d’abord s’être blessée et attendit la douleur mais rien ne vint. Elle
observa mieux la trajectoire de sa lame et découvrit, désolée, le corps convulsé
d’une couleuvre décapitée.
« Pauvre bête, se dit-elle, excuse-moi, je ne t’avais
pas vue. Pardon… »
5 – La réponse suit la question
« Je ne sais pas si je vais pouvoir continuer dans ces
conditions. C’est un véritable massacre d’animaux et de végétaux. Cette ruine
en vaut-elle la peine ? »
À ces mots, les ronces s’ouvrirent comme la mer Rouge devant
Moïse et la Fée Gardienne des lieux salua la femme : « Ô toi, femme
au cœur pur, dépose ton arme, tu n’en as plus besoin. Tu as su passer
l’épreuve. Entre, tu es chez toi ! »
6 – Quand le temps s’en mêle
Le
ciel s’ouvrit, laissant briller un soleil radieux qui éclaira le chemin
conduisant à la porte. Une douce chaleur baigna les lieux, comme un printemps
précoce au milieu de l’hiver.
7 – Passé, présent, le doute subsiste
Le vantail joua sur ses gonds, laissant apparaître un grand
et fier jeune homme, vêtu d’un pourpoint rouge et de chausses ajustées.
« Enfin, tu es venue, je t’attendais » lui dit-il.
Abasourdie, elle reconnut son père.
Chapitre II
1 – Un homme écrit
C’était mon père avec
le corps et le visage que je lui avais vus sur ses photos de jeunesse
Le vieil homme relut le témoignage qu’il venait de coucher
sur le registre du Temps, satisfait de son travail.
2 – Quelque chose de vivant entre dans le lieu où écrit l’homme
Un chat fit soudain son
apparition. Noir comme la nuit, la queue à la verticale, il avançait
nonchalamment, ses yeux jaunes rivés sur le grimoire que le vieux mage venait
de fermer. « Bonsoir » le salua ce dernier.
3 – L’homme a une réaction absurde, incongrue
Les pupilles de l’animal se rétrécirent encore et sa queue
se mit à fouetter l’espace.
« Mon Maître, pourquoi cette fureur ? Aurais-je
failli dans la transcription du récit ? »
4 - Une question est posée
« Stupide bipède ! feula le félin, qu’as-tu fait
de l’histoire ? La maison s’impatiente ! »
5 – Le monologue intérieur de l’homme le mène à un souvenir
« Grand Dieu ! J’ai oublié la maison réalisa le
vieillard. Elle était venue pour lui redonner vie et à ma vue, ma fille a
oublié sa tâche. Pauvre de moi, pauvres de nous, une fois encore nous, humains,
avons oublié tout ce qui vit et nous entoure. »
6 – Le souvenir, par un acte magique, chasse le vivant et s’enfonce
dans la tête de l’homme
« Je dois laisser ce moment d’égarement s’enfoncer dans
ma mémoire, oublier sans oublier, n’accorder à ce temps que sa valeur
d’épreuve, ne pas le laisser envahir mon présent . » Il rouvrit le livre
et entreprit de le lire à l’envers afin de conjurer la mémoire néfaste de son
erreur humaine et se reconnecter aux choses, aux plantes et à tous les règnes
qui l’entouraient toujours.
7 – Nommer la chanson qu’il chante en conclusion
Il renvoya les vieilles images au-delà d’un temps courbe en
fredonnant le chant qui les accompagnerait là-bas, derrière l’arc-en-ciel, somewhere over the rainbow…
Chapitre III
1 – Un phrase factuelle
La
femme se précipita vers le jeune homme qui lui ouvrait les bras tandis que la
maison tremblait sur ses fondations et que les ronces refermaient le passage.
2 - Question
« Que se passe-t-il ? » demanda-t-elle en se
lovant sur la poitrine de l’homme.
3 – Une émotion se plante là
« Je devrais te gronder, tu n’aurais jamais dû être ici
et la colère du maître va être terrible… »
4 – Un ruisseau n’arrange rien à l’affaire
Des larmes irrépressibles se mirent à ruisseler sur les
joues de la femme et formèrent un torrent qui fendit le cœur du jeune homme
déchiré entre son devoir et sa fille.
5 - Négation
« Nous ne pouvons pas rester là, il nous faut trouver une
solution »
6 – Arrive une solution déterminante
Il la prit par la main, l’entraîna rudement vers le corps de
la couleuvre qui encore se tortillait puis, retrouvant la tête de l’animal, il
dégaina un poignard, taillada son poignet et celui de la femme, recueillit
leurs deux sangs et s’en servit pour recoller les morceaux du serpent qui
soudain reprit vie.
7 -
Fin de chapitre – Indication de lieu
« Où suis-je ? fit l’animal, Que m’est-il
arrivé ? Quelle est cette maison et qui êtes-vous donc ? »
Chapitre IV
1 – Quelque part, un enfant est
« C’est une fille ! » annonça la sage-femme
en déposant le bébé sur le sein de sa mère.
2 – La situation implique l’intervention d’un tiers
« Cette enfant est maudite ! Ôtez-la de ma
vue ! Ma fille a fauté et le fruit de son pêché n’a pas sa place sous mon
toit. »
3 – La situation se retourne
« Soit, je m’occuperai d’elle ! » annonça le
jeune homme fier au pourpoint rouge et aux chausses ajustées
4 – Un mystère apparaît
Il s’empara de l’enfançon à peine langé, le coucha dans un
sac et partit dans la nuit, laissant le maître des lieux rager et tempêter.
5 – Une clé explique tout
La jeune mère en larmes s’adressa à son géniteur d’une voix
soudain ferme. « La chair de ma chair est dans de bonnes mains puisque
contrairement à moi, elle est avec son père et qu’il sait l’aimer. »
6 – Intervient une idée folle
« Vous pouvez me bannir, m’enfermer au couvent mais je
jure qu’un jour, en un temps inconnu, ces deux êtres en ces lieux reviendront,
chacun par leur chemin. Ils se retrouveront en ces murs afin d’y commencer la
vie qu’aujourd’hui vous leur interdisez. »
7 – L’idée folle illumine cette fin de chapitre
Le
vieillard au grimoire, découvrant cette histoire, comprit que la prédiction
s’était bien accomplie le jour où il avait retrouvé cette femme armée d’une
étrange machine, qui l’avait reconnu au seuil de sa maison.
Chapitre V
1 – Un instrument ou un outil
Le
poignard sanglant, en tombant, se planta parmi les herbes et la couleuvre
s’enroula autour de sa lame, formant un caducée.
2 – Un passant entre dans le récit
Un ange qui voletait découvrit
la scène, ébouriffa ses plumes, pensant au paradis.
3 – L’outil est utilisé de façon maladroite mais utile
Invoquant Michaël, chef des armées célestes, il empoigna la
dague et pourfendit la bête puis, s’adressant à la femme muette de
saisissement, la salua comme la nouvelle Ève qui avait triomphé du mal.
4 – Le passant quitte la scène
« Je m’en vais vers les cieux pour chanter tes louanges
et quant à toi, jeune homme, je te charge de la protéger toujours. »
5 – Qu’arrive-t-il à l’instrument ?
Le
vieux mage porta la main à sa ceinture où il retrouva le contact rassurant de
son poignard d’antan.
6 – L’instrument reçoit une aide inattendue
Il l’ôta de sa gaine et caressa
la lame toujours tâchée du sang du serpent.
7 – Conclusion et morale
« Et dire que moi, pauvre pomme, j’avais cru bien faire
en donnant mon sang pour ce satané serpent… »
… et le texte au long :
Chapitre I :
Les
ronces, au fil des ans, avaient envahi ce qui était la cour. L’accès à la porte
et aux fenêtres était désormais interdit par de véritables barbelés naturels.
« C’est le monde à l’envers, se dit-elle. Dans le
conte, c’est un prince charmant avec son épée qui libère la belle endormie. »
Au
premier vrombissement de la débroussailleuse, un lapin affolé détala en
zigzagant entre les buissons, affichant sa petite queue blanche. Les dents
acérées de la machine attaquèrent voracement les tiges épineuses dans un
hurlement de moteur. La femme avança avec prudence puis s’arrêta pour ajuster
ses lunettes de protection. « Pas question de faire une terrine de
lapereau », pensa-t-elle, redoublant d’attention.
Un jet de sang gicla soudain sur le bas de son pantalon.
Elle crut d’abord s’être blessée et attendit la douleur mais rien ne vint. Elle
observa mieux la trajectoire de sa lame et découvrit, désolée, le corps
convulsé d’une couleuvre décapitée.
« Pauvre bête, se dit-elle, excuse-moi, je ne t’avais
pas vue. Pardon… Je ne sais pas si je vais pouvoir continuer dans ces
conditions. C’est un véritable massacre d’animaux et de végétaux. Cette ruine
en vaut-elle la peine ? »
À
ces mots, les ronces s’ouvrirent comme la mer Rouge sous les pas de Moïse et la
Fée Gardienne des lieux salua la femme : « Ô toi, femme au cœur pur,
dépose ton arme, tu n’en as plus besoin. Tu as su passer l’épreuve. Entre, tu
es chez toi ! »
Le
ciel s’ouvrit, laissant briller un soleil radieux qui éclaira le chemin
conduisant à la porte. Une douce chaleur baigna les lieux, comme un printemps
précoce au milieu de l’hiver. Le vantail joua sur ses gonds, laissant
apparaître un grand et fier jeune homme, vêtu d’un pourpoint rouge et de
chausses ajustées. « Enfin, tu es venue, je t’attendais » lui dit-il.
Abasourdie, elle reconnut son père.
Chapitre II
C’était mon père avec le corps et le visage que je lui avais vus sur
ses photos de jeunesse
Le vieil homme relut le
témoignage qu’il venait de coucher sur le registre du Temps, satisfait de son
travail. Un chat fit soudain son apparition. Noir comme la nuit, la queue à la
verticale, il avançait nonchalamment, ses yeux jaunes rivés sur le grimoire que
le vieux mage venait de fermer. « Bonsoir » le salua ce dernier.
Les pupilles de l’animal se rétrécirent encore et sa queue
se mit à fouetter l’espace.
« Mon Maître, pourquoi cette fureur ? Aurais-je
failli dans la transcription du récit ? »
« Stupide bipède ! feula le félin, qu’as-tu fait
de l’histoire ? La maison s’impatiente ! »
« Grand Dieu ! J’ai oublié la maison réalisa le
vieillard. Elle était venue pour lui redonner vie et à ma vue, ma fille a
oublié sa tâche. Pauvre de moi, pauvres de nous, une fois encore nous, humains,
avons oublié tout ce qui vit et nous entoure. Je dois laisser ce moment
d’égarement s’enfoncer dans ma mémoire, oublier sans oublier, n’accorder à ce
temps que sa valeur d’épreuve, ne pas le laisser envahir mon présent . »
Il rouvrit le livre et entreprit
de le lire à l’envers afin de conjurer la mémoire néfaste de son erreur humaine
et se reconnecter aux choses, aux plantes et à tous les règnes qui
l’entouraient toujours.
Il renvoya les vieilles images
au-delà d’un temps courbe en fredonnant le chant qui les accompagnerait là-bas,
derrière l’arc-en-ciel, somewhere over
the rainbow…
Chapitre III
La
femme se précipita vers le jeune homme qui lui ouvrait les bras tandis que la
maison tremblait sur ses fondations et que les ronces refermaient le passage.
« Que se passe-t-il ? » demanda-t-elle en se
lovant sur la poitrine de l’homme.
« Je devrais te gronder, tu n’aurais jamais dû être ici
et la colère du maître va être terrible… »
Des larmes irrépressibles se mirent à ruisseler sur les
joues de la femme et formèrent un torrent qui fendit le cœur du jeune homme
déchiré entre son devoir et sa fille.
« Nous ne pouvons pas
rester là, il nous faut trouver une solution »
Il la prit par la main,
l’entraîna rudement vers le corps de la couleuvre qui encore se tortillait
puis, retrouvant la tête de l’animal, il dégaina un poignard, taillada son
poignet et celui de la femme, recueillit leurs deux sangs et s’en servit pour
recoller les morceaux du serpent qui soudain reprit vie.
« Où suis-je ? fit l’animal. Que m’est-il
arrivé ? Quelle est cette maison et qui êtes-vous donc ? »
Chapitre IV
« C’est une fille ! » annonça la sage-femme
en déposant le bébé sur le sein de sa mère.
« Cette enfant est maudite ! Ôtez-la de ma
vue ! Ma fille a fauté et le fruit de son pêché n’a pas sa place sous mon
toit. »
« Soit, je m’occuperai d’elle ! » annonça le
jeune homme fier au pourpoint rouge et aux chausses ajustées.
Il s’empara de l’enfançon à peine langé, le coucha dans un
sac et partit dans la nuit, laissant le maître des lieux rager et tempêter.
La jeune mère en larmes s’adressa à son géniteur d’une voix
soudain ferme. « La chair de ma chair est dans de bonnes mains puisque
contrairement à moi, elle est avec son père et qu’il sait l’aimer. Vous
pouvez me bannir, m’enfermer au couvent mais je jure qu’un jour, en un temps
inconnu, ces deux êtres en ces lieux reviendront, chacun par leur chemin. Ils
se retrouveront en ces murs afin d’y commencer la vie qu’aujourd’hui vous leur
interdisez. »
Le
vieillard au grimoire, découvrant cette histoire, comprit que la prédiction
s’était bien accomplie le jour où il avait retrouvé cette femme armée d’une
étrange machine, qui l’avait reconnu au seuil de sa maison.
Chapitre V
Le
poignard sanglant, en tombant, se planta parmi les herbes et la couleuvre
s’enroula autour de sa lame, formant un caducée.
Un ange qui voletait découvrit la scène, ébouriffa ses
plumes, pensant au paradis. Invoquant Michaël, chef des armées célestes, il
empoigna la dague et pourfendit la bête puis, s’adressant à la femme muette de
saisissement, la salua comme la nouvelle Ève qui avait triomphé du mal.
« Je m’en vais vers les cieux pour chanter tes louanges
et quant à toi, jeune homme, je te charge de la protéger toujours. »
Le
vieux mage porta la main à sa ceinture où il retrouva le contact rassurant de
son poignard d’antan. Il l’ôta de sa gaine et caressa la lame toujours tâchée
du sang du serpent.
« Et dire que moi, pauvre pomme, j’avais cru bien faire
en donnant mon sang pour ce satané serpent… »
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